Louboutin : le rouge est à lui

Coup de tonnerre dans le monde « feutré » de la chaussure : à New-York, Christian Louboutin vient de remporter, en appel, son procès mené contre YSL pour « concurrence déloyale » et « violation de marque commerciale ». La nouvelle est tombée il y a 6 jours, et je n’avais pas eu le temps de l’évoquer. Mais mieux vaut tard que jamais.

Petit rappel des faits. Depuis la création de sa société en 1991, Christian Louboutin signe des chaussures dont la semelle est de couleur rouge. Une véritable marque de fabrique qui fait même l’objet, en 2008, d’un dépôt de marque officiel aux Etats-Unis, le premier marché du célèbre chausseur. Mais au printemps 2011, Louboutin voit rouge (sans mauvais jeu de mots…) quand il découvre, dans la collection « Croisière » d’Yves-Saint-Laurent, une paire de chaussures monochromes, rouges justement, y compris sous la semelle.

Plainte est alors déposée en avril 2011 pour « concurrence déloyale » et « violation de marque commerciale ». Au mois d’août 2011, la justice statue en première instance et déboute la maison Louboutin, au motif qu’ « une couleur ne peut pas être une marque déposée dans le domaine de la mode ».
Qu’à cela ne tienne, Louboutin fait appel. Et ô surprise, la cour d’appel décide de prendre le contrepied de la première décision : la couleur rouge de la semelle peut faire l’objet d’une marque déposée.

Louboutin a gagné. Pour autant, YSL a-t-il perdu ? Non ! Car la décision est assortie d’une restriction : elle s’applique « sauf si (le reste de la chaussure) est de la même couleur »… Autrement dit, un concurrent de Louboutin ne peut utiliser des semelles rouges que sur des chaussures toutes rouges. Subtil non ? Résultat : Louboutin est satisfait de la justice américaine, puisqu’il va pouvoir empêcher ses concurrents d’utiliser des semelles rouges, et YSL est content aussi puisqu’il va pouvoir continuer à vendre son fameux modèle. Je reste admiratif face au pragmatisme des juges américains qui ont l’art du compromis quand il s’agit de business… Ca va être amusant de suivre l’appel de Samsung qui a perdu en première instance contre Apple !

Cette décision est d’autant plus surprenante que Louboutin avait jusqu’alors perdu tous ses procès intentés pour le même motif, y compris en France, contre Zara, Eden Shoes ou Cesare Paciotti notamment.

(Ceci dit, nous avions pris nos précautions et décidé d’utiliser des semelles de couleur fuschia pour le bandeau d’illustration de « Tendance Talons » !)

Au delà de l’anecdote qui fait s’agiter le microcosme de la mode et des rédactions de presse, cette décision me laisse tout de même songeur. Je reconnais que Louboutin a réussi, au fil des années, à créer une vraie marque de fabrique avec ses semelles rouges. L’idée était géniale, et il faut lui rendre hommage. Il semblerait qu’YSL ait rompu un pacte tacite de « non-agression stylistique » établi entre les maisons de luxe.

Pour autant, la décision que vient de rendre la justice me gêne dans le sens où elle accorde à une marque le droit de s’approprier une couleur. Une jurisprudence que ne manqueront pas d’utiliser d’autres marques dans d’autres occasions. Et pourquoi Jean-Paul Gaultier ne s’arrogerait-il pas des droits sur la marinière blanche et bleue ? Ou Little Marcel sur les rayures de couleur ? Mont-Blanc sur les stylos en laque noire ?

Mais finissons sur une note optimiste. Et réjouissons-nous que Louboutin ait décidé de déposer comme marque la couleur rouge. Imaginez s’il avait choisi le Noir ? 99,99% des femmes du monde seraient obligées de porter des semelles de couleur… 😉
Et souvenez-vous : si vous voulez vraiment des semelles rouges sans pouvoir vous offrir des Louboutin, vous avez toujours la solution Rosso Solini que j’avais évoquée dans cet article !

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